Avant d’être réinterprété par Satoshi Shiki dans Dororo and Hyakkimaru, les personnages de Hyakkimaru et Dororo ont vu le jour sous la plume d’Osamu Tezuka. Après avoir présenté l’auteur, partons maintenant à la découverte de Dororo, un de ses mangas emblématiques, objet de nombreuses adaptations telles que celle du dessinateur de XBlade et L’Attaque des Titans – Before the Fall.
L’histoire
Dans le Japon médiéval de l’époque Sengoku (entre 1477 et 1573), Dororo est un jeune vagabond, survivant comme il le peut en volant de quoi se nourrir. Les temps sont difficiles, puisque le pays est en proie aux guerres, aux inégalités et, pour les nombreux laissés-pour-compte comme lui, à la misère.
Un jour, il croise la route de Hyakkimaru, un jeune homme taciturne au corps en grande partie artificiel. Celui-ci parcourt le Japon à la recherche des 48 démons à qui son enveloppe a été offerte en sacrifice. Son objectif est de les éliminer afin de récupérer les différents morceaux de son corps et de retrouver son humanité.
Malgré le refus initial de Hyakkimaru, Dororo va décider de le suivre dans sa quête. Démarre alors une aventure qui l’amènera à se confronter aux créatures surnaturelles que traque son nouveau compagnon de route autant qu’à leurs passés respectifs.
Contexte éditorial
Marquée par un changement d’éditeur et une fin abrupte, la publication de Dororo (どろろ en japonais) au Japon n’a pas été un long fleuve tranquille. Ces péripéties éditoriales ne sont d’ailleurs pas sans rappeler les situations similaires qu’a connues Satoshi Shiki avec des titres comme Riot ou “I”.
Le manga d’Osamu Tezuka a débuté sa publication chez Shogakukan. D’août 1967 à juillet 1968, les Japonais pouvaient le retrouver dans le magazine Shônen Sunday. La série a ensuite été interrompue pendant 10 mois. Changeant d’éditeur pour sa reprise en mai 1969, elle est passée chez Akita Shoten et a rejoint les pages du magazine Bôken-ô. Toutefois, l’aventure a de nouveau tourné court, puisqu’elle s’est terminée au mois d’octobre de la même année.
Répondant à une demande de son éditeur, Osamu Tezuka a écourté Dororo avec un dénouement précipité qui reste sa faiblesse majeure. L’auteur avait pourtant des idées pour la suite et la fin de son manga, mais il n’a pas pu les dessiner, tout comme ses héros n’ont pu terminer leur parcours. Différentes raisons expliquent la volonté d’Akita Shoten d’interrompre le titre. La plus évidente est le manque de succès d’une œuvre qui n’a acquis sa popularité que tardivement. Dororo a aussi subi la pression des parents, mécontents du tournant sombre que prenait la série et qui n’était pas compatible avec le lectorat d’enfants auquel se destinait le magazine Bôken-ô. Enfin, la suractivité d’Osamu Tezuka et le nombre de mangas qu’il dessinait en parallèle ont pu le conduire à une démotivation, voire un désintérêt pour le titre.
En 1971, Dororo a connu une première édition en volumes reliés chez Akita Shoten. Comptant 4 tomes, celle-ci présente des remaniements par rapport aux chapitres prépubliés. Osamu Tezuka pratiquait ce type de changement sur beaucoup de ses œuvres au moment de leur compilation en volumes. Pour Dororo, cela s’explique notamment par la nécessité d’unifier les épisodes publiés chez Shogakukan avec ceux publiés chez Akita Shoten. Les uns et les autres présentaient des variantes parfois importantes de l’intrigue, ainsi que certaines répétitions dues aux rappels nécessaires après le changement de magazine.
Dororo a ensuite été réédité à plusieurs reprises, en 2, 3 ou 4 tomes, par Akita Shoten, mais aussi par Kôdansha, dans une collection qui rassemble tous les mangas d’Osamu Tezuka.
En France, le titre a connu deux publications chez Delcourt. Entre avril et octobre 2006, l’éditeur, qui collabore alors avec Akata pour sa collection de mangas, l’a proposé dans une édition standard en 4 tomes. Entre février 2021 et janvier 2022, Dororo revient en 2 volumes de facture plus luxueuse. Avec cette réédition, le titre intègre la collection de prestige que Delcourt consacre à l’œuvre d’Osamu Tezuka.
Réception
Si le succès n’a pas été immédiat, le manga Dororo a acquis sa renommée au fil des années. Aujourd’hui encore, il figure parmi les œuvres les plus populaires d’Osamu Tezuka.
Le titre a notamment séduit grâce au personnage de Hyakkimaru. Central dans le récit bien que l’œuvre ne porte pas son nom, ce dernier a marqué les esprits par la cruauté de sa destinée et les dilemmes qu’il rencontre, tiraillé entre la légitimité de sa quête et certaines limites morales à dépasser pour arriver à ses fins. Sa popularité a même éclipsé le personnage de Dororo, dont le rôle est le plus souvent celui de faire-valoir humoristique. Le nom de Hyakkimaru a d’ailleurs été ajouté au titre de certaines déclinaisons telles que la série animée de 1969 ou le manga de Satoshi Shiki.
L’atmosphère sombre et violente de Dororo est un autre ingrédient de son succès. Celle-ci tient à la tragédie que vivent les personnages, y compris certains ennemis de Hyakkimaru et Dororo, autant qu’au contexte social présenté, avec des paysans affamés par la guerre et opprimés par les seigneurs qui la mènent. La violence, bien qu’atténuée par le style souvent enfantin d’Osamu Tezuka, provient aussi des multiples combats qui jalonnent l’aventure, certains contre des humains, d’autres face aux créatures fantastiques dont les deux héros croisent le chemin.
De par ces aspects, le manga est l’un des premiers à s’inscrire dans le genre de la dark fantasy. Son successeur le plus célèbre est probablement Berserk de Kentaro Miura, dont les similitudes avec Dororo ne sont évidemment pas fortuites (à commencer par les armes et accessoires dont sont dotés les corps de Guts et Hyakkimaru, leurs protagonistes respectifs).
Enfin, le statut inachevé du manga d’Osamu Tezuka et la frustration qui en découle a pu lui conférer une certaine aura. Ils sont un terreau idéal pour l’imagination et les théories des lecteurs concernant la suite de l’aventure de Dororo et Hyakkimaru. Des pistes existent, certaines issues de propos d’Osamu Tezuka lui-même, et plusieurs déclinaisons se sont engouffrées dans cette brèche pour proposer leur propre fin.
Près de 60 ans après la première publication de Dororo, ces adaptations sont justement la meilleure preuve d’une empreinte sur la culture populaire japonaise qui perdure encore aujourd’hui.
Les adaptations et déclinaisons
La série animée Dororo de 1969
Produite par le studio Mushi Production, cette première adaptation a été diffusée sur la chaîne Fuji TV le dimanche soir entre juin et décembre 1969, parallèlement à la reprise du manga chez Akita Shoten. Elle respecte la trame du récit d’Osamu Tezuka, tout en l’enrichissant avec de nouvelles intrigues.
Malheureusement, le dessin animé ne rencontre pas le succès. À son quatorzième épisode, il est rebaptisé Dororo to Hyakkimaru (Dororo et Hyakkimaru en français) pour mettre en avant le personnage de Hyakkimaru, plus populaire que Dororo. Cependant, les audiences restent insuffisantes, conduisant à son arrêt après 26 épisodes.
Au sein de l’équipe technique qui a travaillé sur la série animée Dororo, se trouve Gisaburô Sugii à la réalisation (notamment réalisateur de l’adaptation de Ginga Tetsudô no Yoru – ou Train de Nuit dans la Voie Lactée en français – en 1985, d’après la nouvelle de Kenji Miyazawa), Hideaki Kitano à la direction de l’animation et Isao Tomita à la musique.
Il faut également noter les participations d’Osamu Dezaki et Yoshiyuki Tomino, des noms bien connus des amateurs d’animation japonaise (le premier pour la réalisation des adaptations d’œuvres cultes comme Cobra, Versailles no Bara – Lady Oscar en français -, Black Jack ou Ashita no Joe ; le second pour la création de la saga Mobile Suit Gundam).
Le roman Dororo de 1969
Publié le 3 octobre 1969 par Asahi Sonorama, ce roman vient soutenir la diffusion de la série animée. Deux membres de l’équipe technique de cette dernière sont à l’œuvre : Masaki Tsuji, le scénariste, à l’écriture et Hideaki Kitano, le directeur de l’animation, aux illustrations.
L’unique tome du roman reprend une partie des événements du manga d’Osamu Tezuka, mais il comporte quelques différences, liées au fait qu’il a été écrit alors que le récit original n’était pas terminé.
Le roman Dororo a été réédité au format poche en septembre 1978, puis sous couverture rigide, en janvier 2007, au moment de la sortie du film.
Le jeu vidéo Dororo – Jigoku Emaki no Shô
Dororo – Jigoku Emaki no Shô (どろろ -地獄絵巻の章- en japonais, qui pourrait se traduire en Dororo – Chapitre du Parchemin de l’Enfer en français) est un jeu d’aventures pour PC (modèle NEC PC-8801 mkII SR).
Développé et publié par Quasar Soft le 10 janvier 1989, il tente de compenser la fin abrupte du manga en proposant sa propre version de la suite et du dénouement de la quête de Dororo et Hyakkimaru.
Les romans Dororo de 2001
Publiés entre juillet et novembre 2001, ces 3 romans proposent une autre version de l’histoire de Dororo, reprenant le postulat original mais en le développant différemment.
Écrits par Jinzô Toriumi, ils bénéficient des illustrations de Fumiaki Watanabe et ont été édités par Gakken dans sa collection Gakken M Bunko.
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Le jeu vidéo Blood will tell
Simplement intitulé Dororo au Japon, Blood will tell (sous-titré Tezuka Osamu’s Dororo) est un jeu d’action et d’aventure scénarisé par Red Entertainment, développé et publié par Sega pour la console de jeu vidéo Sony PlayStation 2. Il est sorti le 9 septembre 2004 au Japon et le 18 février 2005 en France.
Blood will tell propose au joueur de vivre la quête de Hyakkimaru pour éliminer 48 démons et reconstituer son corps. Librement inspirée du manga d’Osamu Tezuka, l’histoire présente des différences majeures et offre son propre dénouement. Les personnages de Hyakkimaru et Dororo sont tous les deux jouables, le premier pour les combats et le second pour l’exploration. Le joueur peut également donner des instructions à Dororo pour l’aider pendant les affrontements.
Hiroaki Samura, mangaka connu pour L’Habitant de l’Infini (titre prépublié dans le magazine Afternoon aux côtés de Kamikaze de Satoshi Shiki), a réalisé le character-design de Blood will tell. Sa patte est particulièrement reconnaissable sur la couverture japonaise du jeu.
Le roman Dororo de 2006
Comptant 2 tomes publiés en décembre 2006, ce roman est la novélisation du film en prise de vues réelles qui est sorti le mois suivant au Japon. Masa Nakamura, scénariste du long-métrage, est l’auteur de cette adaptation publiée par Asahi Shinbun Shuppan dans sa collection Asahi Bunko.
Le roman propose notamment des passages qui n’ont pas été retenus dans le film, ainsi que quelques différences avec celui-ci.
Le film Dororo
Réalisée par Akihiko Shiota, cette adaptation en prise de vues réelles du manga d’Osamu Tezuka propose une autre variante de l’histoire de Dororo et Hyakkimaru. Joués par Kô Shibasaki et Satoshi Tsubamuki, les deux personnages sont par exemple plus âgés dans cette version.
Cette nouvelle interprétation de leur aventure aurait pu se prolonger sur deux autres films pour constituer une trilogie, mais, malgré le succès rencontré par le premier long-métrage, aucune suite n’a vu le jour jusqu’ici.
Le film Dororo est sorti dans les salles de cinéma japonaises le 27 janvier 2007. En France, il a été publié directement en DVD par Kazé le 4 mars 2009.
Le manga Dororo Bon
Dans Dororo Bon (ou どろろ梵 en japonais), manga en 4 volumes publié entre novembre 2007 et mars 2009 par Akita Shoten, Daisuke Douke prolonge la quête de Hyakkimaru dans le monde moderne.
Réincarné dans le corps d’une jeune fille 500 ans après les événements narrés dans le manga d’Osamu Tezuka, le personnage n’est pas libéré de sa malédiction pour autant et doit reprendre sa traque des démons pour récupérer les différentes parties de son corps.
Le manga Dororo to Enma-kun
Dans les 2 tomes de Dororo to Enma-kun (どろろとえん魔くん en japonais), Gô Nagai, mangaka célèbre pour Devilman, Mazinger Z ou Cutie Honey, propose un cross-over dans lequel les personnages de Dororo croisent ceux d’un de ses mangas, Dororon Enma-kun. L’auteur est accompagné du studio Dynamic Pro pour la réalisation du dessin.
Publié entre juillet 2013 et avril 2014 chez Nihon Bungeisha, le titre voit Dororo et Enma, les protagonistes respectifs des deux mangas, collaborer pour éliminer des créatures fantastiques.
Le manga original, Dororon Enma-kun, date de 1973. Il a connu plusieurs moutures, dessinées par différents artistes, et a été adapté en série animée.
La série animée Dororo de 2019
Alors que le manga original d’Osamu Tezuka fête ses 50 ans, il fait son retour dans l’actualité avec 3 nouvelles revisites en animation et en bande dessinée, chacune proposant sa propre vision.
La première est une série d’animation de 24 épisodes réalisée par le studio MAPPA et diffusée au Japon à partir de janvier 2019. Dans le reste du monde, le dessin animé est proposé sur la plateforme de streaming Prime Vidéo. En France, il a aussi bénéficié d’une sortie en DVD et blu-ray en février 2022 chez Kazé.
Dans le staff technique qui a travaillé sur cette nouvelle version de Dororo, se trouvent Kazuhiro Furuhashi à la réalisation, Yasuko Kobayashi au scénario ou Yoshihiro Ike aux musiques. Il faut aussi noter la participation des groupes de rock Queen Bee et Asian Kung-Fu Generation aux génériques de début, ainsi que celle de Hiroyuki Asada à la conception des personnages. Celui-ci est connu en tant que mangaka pour des titres comme I’ll ou Letter Bee.
Le manga Search and Destroy
Débutant sa prépublication en 2018 dans le magazine TezuComi, le manga Search and Destroy (サーチアンドデストロイ en japonais) propose probablement la réinterprétation la plus audacieuse de l’œuvre d’Osamu Tezuka.
Atsushi Kaneko, notamment auteur de Bambi, Soil, Deathco ou Evol (actuellement publié chez Delcourt-Tonkam), ose déplacer l’intrigue dans un univers cyberpunk post-apocalyptique. Dans sa revisite de Dororo, Hyaku est une jeune fille au corps en grande partie mécanique qui traque les yakuzas qui se sont appropriés les différentes parties de son enveloppe corporelle. Au cours de sa quête de vengeance, elle croise le chemin de Doro, un enfant des rues.
Search and Destroy compte un total de 3 tomes, publiés entre avril 2019 et mars 2020 au Japon. La série est sortie en France chez Delcourt-Tonkam entre février et novembre 2021.
Le manga Dororo and Hyakkimaru
Du côté de Satoshi Shiki, la revisite est plus fidèle dans Dororo and Hyakkimaru (ou Dororo to Hyakkimaru Den, どろろと百鬼丸伝 en japonais), manga prépublié à partir d’octobre 2018 dans le magazine Champion Red d’Akita Shoten et toujours en cours.
Si le respect à l’œuvre d’Osamu Tezuka est de mise, il n’empêche pas des écarts plus ou moins importants, par exemple sur l’agencement et le déroulement des histoires reprises, sur le rôle et l’évolution des personnages ou sur le développement de nouvelles intrigues.
S’agissant de la raison d’être de ce dossier, Dororo and Hyakkimaru est et sera détaillé dans différents articles sur SSF, comme le sont par ailleurs les différents mangas de Satoshi Shiki.
La série reste inédite en France à ce jour.
Le webtoon Dororo Re:Verse
En 2022, nouvelle illustration que Dororo reste dans l’air du temps avec Dororo Re:Verse, réadaptation contemporaine sous forme de webtoon. Terminé en 43 chapitres, le titre est l’œuvre des Sud-coréens Bean (au dessin) et Lee Do Kyong (au scénario).
Publié par la plateforme Piccoma, Dororo Re:Verse est disponible en France chez Delitoon.
Autres adaptations
En 1968, Dororo a également été dessiné par les mangakas Fujiko Fujio (duo d’auteurs à l’origine de Doraemon), Jirô Tsunoda (auteur de Kyôfu Shinbun et Ushiro no Hyakutarô, dessinateur de Karate Master), Rentarô Itai (auteur de Ora Aguzuradado et Ichiban Genki-kun) et Fujio Akatsuka (auteur de Himitsu no Akko-chan et Osomatsu-kun) dans le cadre de l’opération “Kôhaku Mo no Mane Manga Gassen”, au cours de laquelle des auteurs s’affrontaient en reprenant leurs personnages mutuels. Ces mangas ont été repris en volume relié dans la collection Tezuka Osamu Treasure Box, sous forme d’un coffret contenant notamment l’intégralité du manga d’Osamu Tezuka dans la version du magazine Bôken-ô.
Avant Dororo to Enma-kun, Gô Nagai avait déjà eu l’occasion de reprendre le personnage de Hyakkimaru dans une histoire courte intitulée “On a stormy night”. Dans cette nouvelle, l’auteur dessine aussi Black Jack, autre personnage emblématique de Tezuka. Ce travail est inclus dans l’anthologie Black Jack Alive, publié en 2005 par Akita Shoten.
En 2019, le magazine TezuComi propose une histoire courte dérivée de Dororo. Intitulée “Chi no Aji – Yôtô Tanjô” (血の味―妖刀誕生 en japonais, qui peut se traduire par “Le goût du sang – La naissance de l’épée maudite” en français), elle est l’œuvre de deux Français : Philippe Cardona aux dessins et Florence Torta au scénario (le duo est notamment connu pour Sentaï School).
Hyakkimaru apparaît également dans Team Phoenix, un manga de Kenny Ruiz dans lequel différents personnages d’Osamu Tezuka forment un groupe de héros s’opposant à l’Union Robotique et à son chef, Atlas. Le titre compte 5 tomes publiés entre octobre 2021 et octobre 2023 chez Akita Shoten et disponibles en France chez Vega.
Enfin, dans un tout autre registre, Dororo a été adapté en pièce de théâtre. Plusieurs représentations ont été données entre 2004 et 2019 sous la direction de Kensuke Yokouchi, puis de Daisuke Nishida.
Comment se positionne la revisite de Satoshi Shiki par rapport à l’original d’Osamu Tezuka
Sur le principe, Dororo and Hyakkimaru est plus proche du reboot que du remake puisqu’il reprend les personnages et plusieurs arches narratives de Dororo, mais avec des différences importantes. Autrement dit, Satoshi Shiki propose une variante de l’histoire écrite par Osamu Tezuka.
Cependant, comme l’indique le titre Dororo to Hyakkimaru Den, qui se traduit en La Légende de Dororo et Hyakkimaru, il n’a pas l’intention, et encore moins la prétention, de remplacer la version originale d’Osamu Tezuka et de devenir canon. En effet, cet intitulé évoque une histoire ancrée dans un patrimoine, qui peut changer et se déformer au fil du temps. Cette perspective permet à Satoshi Shiki, comme à d’autres avant lui, de revisiter l’œuvre en en proposant une autre vision. Le manga pourrait tout aussi bien s’appeler Une autre histoire de Dororo et Hyakkimaru, par exemple.
L’auteur s’approprie d’autant mieux Dororo que le titre se rapproche de ses précédents travaux à plusieurs égards. Des motifs comme le katana et les monstres du folklore japonais sont tout autant emblématiques du manga d’Osamu Tezuka que de Kamikaze et XBlade, deux des récits phares de Satoshi Shiki. L’auteur se retrouve aussi dans la vision de société dessinée en arrière-plan. En effet, celle-ci met en scène des “petits” opprimés par les “puissants”. Cette opposition évoque les mangas de Satoshi Shiki, qui se placent souvent du côté de marginaux confrontés à des élites cyniques qui les méprisent.
Cependant, dans Dororo and Hyakkimaru, l’auteur ne se contente pas de réutiliser des ingrédients qu’il connaît déjà. En effet, comme la plupart des réinterprétations de Dororo, son manga respecte le cadre historique du récit original de Tezuka. Satoshi Shiki se livre donc à un exercice auquel il s’était peu prêté jusqu’ici : la retranscription d’une époque passée. Avant Dororo and Hyakkimaru, il s’y était seulement essayé dans un flash-back de XBlade et dans l’histoire courte consacrée à la figure de Isami Kondô. Pour fournir une représentation historique convaincante, l’auteur a réalisé un travail de documentation qu’il décrit dans ses 2 dôjinshi Dororo to Hyakkimaru Den Shuzaiki.
Le mot de la fin
Pour citer le titre de sa réinterprétation par Satoshi Shiki, il n’est donc pas exagéré de dire que Dororo est entré dans la légende. C’est une illustration du génie d’Osamu Tezuka : universels et intemporels, ses histoires et ses personnages traversent les années, tout en conservant leur force et leur pertinence. De cette façon, ils fournissent une matière inépuisable, même plus de 50 ans après leur création, pour les éditeurs, auteurs et studios qui s’essayent à les reprendre et à les revisiter.