Aujourd’hui, plutôt qu’un dossier informatif et factuel comme j’en ai eu l’habitude depuis le retour de SSF, je vous propose un article plus personnel, dans lequel je vais tenter d’expliquer mon attachement à l’auteur qu’est Satoshi Shiki.
C’est l’occasion de remonter dans le temps, histoire de revenir sur ma découverte du mangaka et de son travail, mais aussi de détailler pourquoi il m’a séduit et continue de le faire aujourd’hui et, en somme, de parler de la raison d’être de SSF.
Au commencement, Riot
Mon histoire avec Satoshi Shiki a commencé en avril 1996, avec la sortie du numéro 63 de Player One, un magazine dédié au jeu vidéo dont j’étais un lecteur régulier. Dans ses pages, était succinctement chroniqué le premier tome d’un nouveau manga, Riot. Le titre et son auteur étaient inconnus dans un paysage manga français infiniment moins fourni qu’aujourd’hui. Nous en étions alors aux prémices de la généralisation de la publication des bandes dessinées japonaises en France.
Les quelques lignes que Player One consacrait à Riot étaient positives, mais ce qui avait retenu mon attention, c’était l’extrait du manga qui les illustrait. Autant le dessin de Satoshi Shiki, qui alliait finesse et nervosité, que le personnage qu’il représentait m’ont séduit. Mon premier coup de cœur était donc pour Axelle, son teint mat, ses cheveux blonds touffus et l’énigmatique symbole dessiné sous son œil droit (sur les planches inversées de la version française), mais également pour la combativité et la détermination qui émanaient d’elle. Il n’en fallait pas plus pour me donner envie de lire le manga.
Les souvenirs s’estompant avec les années (cela fait bientôt trente ans), je ne me souviens pas de la manière dont les tomes de Riot sont arrivés jusqu’à moi. Mais, une fois le manga entre mes mains fébriles, la lecture a fait plus que confirmer ma première impression positive. J’ai apprécié autant le scénario, dont les scènes d’action et les zones d’ombre ont su me tenir en haleine, que l’esthétisme du dessin, ainsi que l’expressivité qu’il conférait aux personnages.
L’adolescent que j’étais alors a également été marqué par l’aspect anticonformiste et rebelle que je percevais chez les protagonistes de Riot. Vivant en marge de la société et lui crachant dessus dès qu’ils en avaient l’occasion, ils agissaient selon leur bon vouloir, s’emportant pour un oui ou pour un non et faisant fi des convenances. Autrement dit, le modèle parfait pour un jeune en conflit avec l’autorité.
Mon histoire avec Riot aurait pu s’arrêter là, j’aurais pu l’apprécier, puis passer à autre chose. Mais différents facteurs ont contribué à en faire un titre spécial à mes yeux.
En premier lieu, l’acquisition du titre de Satoshi Shiki se situe à une période où ma collection de mangas était aussi réduite que mes possibilités de la compléter. Pour cette raison, les tomes que je possédais étaient peu nombreux et avaient d’autant plus de valeur à mes yeux. Je les ai donc lus et relus, ce qui me permettait de me saisir de leurs moindres détails et de m’en faire un souvenir durable.
La découverte de Riot correspond aussi à mon adolescence, une période de la vie où, comme tout un chacun, j’étais particulièrement réceptif aux œuvres culturelles et artistiques dans lesquelles je m’immergeais. Celles-ci ont donc laissé une empreinte indélébile en moi. À un autre moment, en d’autres circonstances, le titre ne m’aurait probablement pas autant marqué.
Enfin, la raison la plus importante est probablement l’absence de suite aux deux tomes sortis par Glénat. L’attente (surtout à une époque où je n’avais pas la possibilité de m’informer sur l’état de publication d’un manga au Japon), l’histoire et les personnages laissés en suspens et, plus généralement, le fait d’être resté sur ma faim m’ont donné matière et motivation à faire des hypothèses sur la suite des événements. Riot a ainsi longtemps occupé mes pensées.
J’ai également beaucoup écrit sur le manga de Satoshi Shiki, en premier lieu pour moi-même (avant que certains de ces textes ne servent de base à ce qui deviendrait SSF).
La confirmation avec Kamikaze
Au printemps 2001, Kamikaze signe le retour de Satoshi Shiki en France. La mémoire me faisant de nouveau défaut, je ne me souviens pas de la façon dont j’ai entendu parler du manga (peut-être sur internet ou dans les pages du magazine AnimeLand, dont j’étais alors un lecteur assidu), ni de celle dont je me suis procuré son premier volume. Une chose est sûre, en voyant le nom de son auteur, je n’ai pu que bondir dessus dès que j’en ai eu l’occasion.
Quelques années après Riot, pouvoir retrouver Satoshi Shiki et l’apprécier sur un nouveau récit était aussi inespéré qu’enthousiasmant pour moi.
Plusieurs aspects rapprochent Kamikaze du précédent manga de son auteur. Tout d’abord, ses personnages bénéficient d’un traitement similaire, dans leurs failles comme dans leur caractère marginal, qui les place en dehors des conventions de la société et en fait des parias. De son côté, le scénario fait de nouveau appel à des scènes d’action débridées et au mystère pour accrocher le lecteur. Enfin, le dessin, s’il a évolué et continue de le faire tout au long de la série, reste constant dans le soin et le souci du détail que l’auteur lui apporte. En retrouvant une part de l’essence de ce qui m’avait séduit dans Riot, je n’étais donc pas dépaysé.
Cependant, Kamikaze ne se limite pas à une redite et bénéficie d’ingrédients nouveaux. Ainsi, Satoshi Shiki introduit un cadre contemporain et un fantastique inspiré du folklore japonais. Tandis que le premier profite de décors photoréalistes pour favoriser l’immersion, le second met en avant des forces et croyances relatives au shintoïsme, ainsi que des éléments typiques, comme des torii ou des villages traditionnels. Ces deux aspects sont orchestrés dans une opposition qui fait tout l’enjeu de la série.
En cela, Kamikaze apparaît comme une porte d’entrée vers la civilisation japonaise, là où Riot se tournait davantage vers l’occident, et particulièrement les États-Unis (comme en attestent les références à la Bible et au western, ou l’utilisation régulière de l’anglais). Étant alors plus âgé et plus conscient de la culture que je découvrais et assimilais grâce aux mangas, cette ouverture a trouvé un écho en moi.
Dans ses points communs comme dans ses différences, Kamikaze a su me parler comme Riot quelques années plus tôt. Avec ce deuxième coup de cœur, Satoshi Shiki se faisait alors définitivement une place parmi mes auteurs préférés.
Le facteur d’amplification du site internet
La sortie de Kamikaze en France a aussi été le déclencheur de la création de SSF. Le 14 octobre 2001, lorsque j’ai mis en ligne la première mouture du site, deux motivations m’animaient.
La première était de combler le manque que j’avais ressenti lors de mes premiers pas sur internet, alors que je ressortais bredouille de mes recherches sur Satoshi Shiki. L’objectif était de créer le site internet que j’aurais souhaité trouver, autrement dit de rassembler le maximum de ressources autour de l’auteur, de les partager avec celles et ceux qui avaient le même intérêt pour lui et, pourquoi pas, de constituer un lieu d’échanges autour de son travail.
Ma deuxième source de motivation était la curiosité pour ce qui était alors un nouveau moyen d’information et de communication, internet. Plus jeune, j’aimais écrire sur les mangas que je lisais et mettre en forme ces textes à la manière d’un magazine. Internet m’a offert les outils pour donner un second souffle à cette activité. SSF a ainsi été pour moi un formidable vecteur d’apprentissage et d’utilisation des technologies qui donnent vie aux sites internet. Aujourd’hui encore, le fait d’allier l’écriture et la programmation reste moteur.
Une fois en ligne, le site internet a induit un biais chez moi. L’envie d’informer, et si possible d’être dans les premiers à le faire, entraîne une veille informative permanente. Les visites sur les sites des éditeurs, d’e-commerce ou d’actualité, à guetter une date de sortie ou une couverture à partager, sont ainsi quotidiennes ou presque. Lorsque l’information apparaît, l’enthousiasme qu’elle déclenche est accru par la volonté d’en parler et de prendre le temps de le faire correctement, en termes d’écriture ou de mise en forme par exemple.
Suivre Satoshi Shiki m’a aussi permis de rester en contact avec son travail, même en l’absence de publication en France. Cela crée un lien particulier, que je n’ai pas vis-à-vis d’autres auteurs que j’apprécie, mais pour lesquels je ne vais pas au-delà de ce qui sort en France. Ce rapport concerne autant Satoshi Shiki en lui-même que chacune de ses œuvres. Mon engouement est ainsi le même à l’annonce d’un nouveau projet, à la publication d’une nouvelle illustration ou à la sortie d’un nouveau volume relié. De la même façon, les nouveaux chapitres prépubliés sont pour moi autant de rendez-vous réguliers et précieux. Tant que cela sera le cas, SSF aura de beaux jours devant lui.
Suivre assidûment un auteur comme je le fais entraîne nécessairement un attachement à son trait et à sa manière de raconter des histoires. Cela va jusqu’à en devenir addictif et à donner envie de le retrouver aussi souvent que possible. Tout naturellement, cela m’amène à me procurer ses publications au Japon et aux États-Unis, faute d’inédits en France depuis plusieurs années.
S’attacher à un auteur jusque dans ses défauts
L’habitude que j’ai de lire Satoshi Shiki me rend plus attentif et plus sensible aux détails, à ses tics et gimmicks, ainsi qu’à son évolution. Cela ne m’empêche pas non plus d’être conscient de ses faiblesses et de la façon dont il les contourne ou les surmonte au fil de ses travaux.
À ses débuts, la palette de visages du mangaka manquait de variété, ce qui pouvait gêner l’identification de certains personnages et entraîner de la confusion. Je pense à des personnages comme Misao et Aïguma dans Kamikaze, que je réussissais à distinguer grâce à un grain de beauté ou à une coupe de cheveux.
Les mangas se succédant, ce défaut s’est progressivement atténué et n’est désormais plus qu’un souvenir. Satoshi Shiki a élargi sa gamme en matière de traits de visage et il continue de le faire dans Dororo and Hyakkimaru ou The Devil Princess. Dans ces deux mangas, l’influence d’Osamu Tezuka se devine dans certaines physionomies qu’il aurait été impensable de voir dans ses premiers travaux.
Les premiers titres de Satoshi Shiki étaient également empreints d’un fan service qui trahissait son activité parallèle de mangaka hentai. Plus que par les scènes de sexe, rares dans son œuvre grand public, cela transparaissait par la nudité occasionnelle des personnages féminins, mais également par des postures, des cadrages ou les formes que dessinaient leurs tenues. Rien de tout cela n’était particulièrement choquant, mais ce n’était pas non plus utile au récit, qui pouvait se trouver pollué par ces élans gratuits. Visible dans Riot et Kamikaze, cette caractéristique atteint son paroxysme dans Min Min Mint, qui en a fait le moteur de son intrigue.
À partir de “I”, le fan service a peu à peu disparu des travaux du mangaka. L’auteur s’est d’abord fait moins insistant, y compris dans un titre comme XBlade dont les fourreaux humains sont des femmes, souvent représentées dévêtues, avant de rompre avec cette tendance. Le fait de publier dans des magazines à destination d’un public d’adolescents (shônen) peut partiellement expliquer cette évolution, mais cela semble aussi correspondre à un changement d’état d’esprit chez l’auteur. J’y vois une manière de mieux compartimenter ses activités.
Une autre faiblesse récurrente de Satoshi Shiki se trouve dans les scènes d’action. Dans ses premiers mangas, Riot, Kamikaze ou même XBlade, ces dernières manquaient souvent de clarté. Cela pouvait rendre certains passages confus et nécessiter une relecture attentive pour discerner ce qu’il se passait. Par conséquent, le rôle d’électrochoc de ces scènes était amoindri.
Aujourd’hui, les soucis de lisibilité ont disparu, notamment depuis la publication de L’Attaque des Titans – Before the Fall. Cette série a visiblement bénéficié d’un effort particulier sur la lisibilité des scènes d’action, probablement en raison du défi que représentaient pour le mangaka les affrontements entre titans et humains et les différences d’échelle. Cependant, ce gain se fait parfois au détriment d’un certain dynamisme, un manque déjà présent à ses débuts et dont peuvent encore pâtir les combats dans ses mangas.
Les travaux récents de Satoshi Shiki laissent transparaître un auteur conscient de ses limites sur les scènes d’action. Désormais, elles paraissent plus en retrait, cantonnées à un rôle de point de passage pour valider une avancée dans l’intrigue ou la progression d’un personnage.
Lorsqu’ils surviennent, les affrontements ne refusent pas le grand spectacle, mais valent davantage pour la représentation d’un état d’esprit, d’un rapport de force et la concrétisation d’un cheminement, plutôt que pour leurs chorégraphies, le découpage des mouvements ou l’impression de vitesse et de puissance. Cela n’empêche pas la présence d’illustrations impressionnantes, parfois en double-page, pour donner de la percussion aux combats.
Satoshi Shiki replace l’humain au cœur de son œuvre et c’est une bonne chose, car c’est probablement la raison qui me fait tant apprécier ses travaux.
La place accordée à l’humain
La façon dont l’auteur réussit à développer ses personnages est pour moi sa plus grande qualité. C’est en tout cas celle qui me fait aimer ses mangas et me donne envie de m’y plonger. S’ils ne brillent pas forcément par leur originalité, Satoshi Shiki parvient à leur donner vie dans les interstices des histoires qu’il narre.
Pour cela, il se sert de détails, qu’il prend le temps de dessiner même lorsqu’ils ne servent pas directement la scène en cours. Les mains calleuses de Harumi, le protagoniste de XBlade, sont pour moi l’exemple le plus représentatif. La mise en scène ne s’attarde pas dessus, mais l’auteur choisit de dessiner aussi souvent que possible ce détail qui en dit beaucoup sur la ténacité et l’ardeur du personnage.
Les ouvertures et clôtures des arcs narratifs sont un autre point remarquable dans le développement des protagonistes de Satoshi Shiki. Il les représente volontiers autour d’un feu, d’un repas ou lors d’un trajet à pied, discutant et se taquinant en toute simplicité. Ces passages amènent une vraie chaleur et traduisent la distance ou la proximité qui peut exister entre eux. C’est notamment un gimmick récurrent de Dororo and Hyakkimaru, qui permet d’illustrer l’évolution de Hyakkimaru et de sa relation de plus en plus complice avec Dororo.
De même, dans Kamikaze, la scène où Kamuro, surpris par le goût du café, recrache celui que lui a préparé Misao apparaît comme une sorte de “brise glace” pour deux personnages qui se découvrent à peine et commencent à s’apprivoiser.
Satoshi Shiki excelle également dans les intermèdes, des scènes en forme de parenthèse qui placent les personnages dans leur quotidien, en dehors des intrigues en cours. Tous ses mangas n’en comportent pas, mais ceux de Kamikaze m’ont particulièrement marqué. Ouvrant les tomes 4 à 6, ils apportaient de l’épaisseur, de la nuance et de l’humanité aux adversaires de Kamuro et Misao, accentuant la cruelle tragédie qui se jouait alors.
Même dans les combats, qui, comme je l’ai dit, sont pour moi un point faible de Satoshi Shiki, c’est dans les entre-deux, dans la tension qui précède ou dans le relâchement qui suit, que l’auteur est le plus convaincant. Ce sont des moments qu’il met à profit pour resituer les personnages impliqués, leur état d’esprit et les enjeux.
À mes yeux, les pages précédant l’ultime duel entre Kamuro et Kayano dans Kamikaze en sont le meilleur exemple. Pour tout ce qu’elles disent et représentent, notamment en matière de bilan du chemin parcouru depuis le début de la série, elles réussissent à suspendre le temps. Un calme avant la tempête à couper le souffle, et peut-être mon passage préféré de l’ensemble de l’œuvre de l’auteur.
Le dessin de Satoshi Shiki n’est pas non plus à négliger dans la manière dont ses personnages prennent vie. Qu’il s’agisse de leur physionomie, de leur posture, de leur manière de s’habiller ou même de leurs expressions de visage, l’auteur apporte un soin notable à les représenter et à les ancrer dans la réalité du manga.
Au-delà de l’esthétisme de son trait, il montre également ses qualités d’illustrateur dans la façon dont il se sert des gros plans pour représenter les sentiments. Par ce procédé, il réussit à en dire beaucoup sur l’état d’esprit de ses personnages sans avoir besoin du moindre mot.
Cette attention que Satoshi Shiki porte à ses personnages est la même quels que soient les univers dans lesquels se déroulent ses mangas ou les histoires qu’il raconte. Que ce soit dans le fantastique ou dans la science-fiction, il met toujours un point d’honneur à leur offrir une place de choix et à trouver des espaces pour les étoffer. Cela me rend d’autant plus curieux de pouvoir lire Betsuani !, son unique manga de tranches de vie, dans lequel tout repose justement sur les protagonistes et leur quotidien.
Des univers caractéristiques
Qu’il s’agisse de récits originaux, de collaborations avec des scénaristes ou d’adaptations, les univers et les registres dans lesquels se placent les travaux de Satoshi Shiki présentent une homogénéité et des récurrences narratives, thématiques ou contextuelles dans lesquelles je me sens à l’aise.
Ainsi, la science-fiction et le fantastique sont quasiment omniprésents dans son œuvre. Pour la première, il peut s’agir du cadre du récit, comme dans “I”, 69, Persona X Detective Naoto ou Casshern R, ou de simples touches, d’éléments technologiques présents dans un contexte qui ne l’est pas. Des robots, des exosquelettes, des prothèses cybernétiques ou des cyborgs interviennent par exemple dans Riot ou Kamikaze.
Concernant le fantastique, il prend des formes plus variées, allant de manuscrits magiques à des créatures issues de la nature ou des pouvoirs extrasensoriels. Il est souvent lié à des motifs, comme le katana ou les monstres inspirés du folklore japonais, qui rapprochent des titres comme Kamikaze, XBlade ou Dororo and Hyakkimaru et les rendent caractéristiques de la patte de l’auteur.
Dans un autre registre, la figure du brun hirsute est également récurrente, et cela, de Billy the Kid dans Riot à Onza dans The Devil Princess, en passant par Kamuro dans Kamikaze, Harumi dans XBlade, Touya dans Genjûza, Kyklo dans L’Attaque des Titans – Before the Fall ou Shishin dans Bakuen.
Les premiers travaux de Satoshi Shiki témoignent également de son penchant pour le mystère et les récits parsemés de zones d’ombre. Ayant personnellement un faible pour les histoires embrouillées à souhait que je peux démêler grâce aux bribes d’information à ma disposition, cette caractéristique m’avait tenu en haleine dans Riot et Kamikaze.
Ce procédé narratif se fait plus rare dans les travaux récents du mangaka, même si un titre comme XBlade en joue pour le passé de Harumi, par exemple.
Depuis XBlade, et à l’exception de Betsuani !, les mangas de Satoshi Shiki sont tous le résultat d’une collaboration avec un scénariste ou de l’adaptation d’une œuvre existante. Ils me permettent ainsi de découvrir d’autres auteurs et de me plonger dans d’autres univers. C’est par exemple l’occasion de rencontrer de jeunes auteurs comme Harunohi Biyori ou de plus expérimentés comme Tatsuhiko Ida et Gakuto Mikumo, de faire un premier pas dans le monde de Casshern ou de replonger dans ceux de L’Attaque des Titans ou de Persona.
Malgré la variété des auteurs et des univers, le mangaka réussit toujours ou presque à se saisir de leurs récits et à se les approprier. Grâce à cela, ils s’intègrent naturellement au sein de son œuvre, montrant également son adéquation avec les projets qui lui sont proposés. À mes yeux, XBlade est le meilleur exemple du mariage idéal entre le scénariste et le dessinateur. Le titre semblait même destiné à Satoshi Shiki, tant les thématiques, l’imaginaire et les motifs narratifs lui correspondent.
Même si le mangaka s’épanouit depuis plus de quinze ans dans les travaux d’adaptation, les claques que furent pour moi ses premiers mangas Riot et Kamikaze (qui étaient des titres originaux), ainsi que toute l’expérience qu’il a pu acquérir depuis, me donnent très envie de le revoir sur un projet personnel. Je ne sais pas s’il en a la volonté, mais si c’est le cas, j’aimerais beaucoup qu’il puisse y parvenir.
Une personnalité qui se dessine
Derrière la bibliographie de Satoshi Shiki, entre les cases et les lignes de ses mangas, transparaît une personnalité qui me parle et dans laquelle je me reconnais, au moins partiellement.
En matière d’illustration, l’auteur laisse deviner tout son perfectionnisme, dans le soin apporté, dans les détails représentés et dans la composition. C’est une caractéristique que je partage avec lui, mais un domaine nettement plus pragmatique pour ma part, par exemple dans ma profession, dans mon travail sur SSF (notamment en matière d’écriture) ou dans différents aspects de la vie de tous les jours.
De plus, la progression de Satoshi Shiki, manga après manga, témoigne d’un auteur qui ne se repose pas sur ses acquis. Conscient de ses faiblesses, il est en évolution permanente. Derrière, se ressentent le travail et les efforts du mangaka. Des qualités qui le rendent attachant et donnent d’autant plus envie de le suivre.
Enfin, son histoire éditoriale parfois compliquée traduit sa combativité et sa persévérance, ainsi que son attachement à ses œuvres. Riot, 69 ou “I” en sont les meilleures illustrations. Ces mangas ont pu renaître chez un autre éditeur, et leurs chapitres inédits être compilés dans un volume relié. À défaut d’éditeur, le mangaka a utilisé le dôjinshi pour publier par ses propres moyens certains titres. Autant de témoins des efforts que Satoshi Shiki met en œuvre pour que ses mangas puissent vivre leur vie jusqu’au bout.
À ce jour, sa seule série restant partiellement inédite en volume relié est Persona X Detective Naoto, dont le troisième et dernier tome a seulement été prépublié en magazine.
Le mot de la fin
Mon histoire avec l’œuvre de Satoshi Shiki a donc débuté sur une question de circonstances. En d’autres temps, d’autres lieux et d’autres humeurs, j’aurais pu passer à côté de son travail, ou simplement l’apprécier et passer à autre chose. Mais il n’en a pas été ainsi. Puisque tout a démarré avec Riot, je remercie l’auteur pour avoir créé cette œuvre, Kadokawa Shoten pour l’avoir publiée au Japon, Glénat pour en avoir fait de même en France et Player One pour m’avoir permis de la découvrir.
Pour ses qualités d’illustrateur, mais surtout pour l’ensemble que constitue son œuvre, dans ses thématiques et ses ressorts narratifs, mais aussi dans l’image de lui qu’elle dessine, Satoshi Shiki est, depuis des années et aujourd’hui encore, un auteur qui me tient à cœur. J’espère que ces lignes vous auront convaincu de sa valeur et vous donneront envie de vous pencher sur ce mangaka et sur sa bibliographie, malheureusement très incomplète en France.