Après Riot et Kamikaze, Min Min Mint est la troisième œuvre de Satoshi Shiki à nous parvenir.
Soyons clair, ce n’était certainement pas la plus attendue étant donné qu’il s’agit d’un one-shot plutôt anecdotique. Mais bon, contentons-nous de ce qui nous est donné et apprécions ce Min Min Mint à sa juste valeur.
Min Min Mint a été réalisé parallèlement à Kamikaze. On y retrouve donc un graphisme dans la même veine. Au niveau des personnages en tout cas. Le dessin de Min Min Mint est en effet bien moins fouillé, avec des décors plus en retrait et moins détaillés. Pour ce qui est de la mise en page, cela s’est énormément simplifié également. Dans Kamikaze, on avait droit à des passages (trop ?) sophistiqués, avec alternance de points de vue et de scènes. Min Min Mint est beaucoup plus classique à ce niveau et se révèle très clair et lisible. Les personnages, quasiment exclusivement féminins, sont largement mis en avant et superbement dessinés. Shiki les fait poser de manière sexy, mignonne et naïve, ou dans un registre plus caricatural et comique. Le style du mangaka est toujours un régal et, du point de vue graphique, Min Min Mint est une réussite indéniable.
Dès la lecture du moindre résumé de Min Min Mint, on comprend bien qu’on a affaire à un manga à dix mille lieues d’un Kamikaze. D’un manga au scénario complexe et tortueux aux lourds enjeux, on passe à une comédie légère dont le thème principal fera fuir tout lecteur avide de bonnes lectures. On le comprend bien : un manga dont le résumé même met en avant la présence d’une héroïne souvent dévêtue a de quoi effrayer. Même des mangakas comme Urushihara et Yui camouflent leurs réels des seins… euh desseins à dénuder leurs personnages féminins derrière des scénarii complexes, bien que souvent insignifiants.
Moins présente que ce qu’on pouvait prévoir, la nudité dans Min Min Mint est toujours traitée de manière humoristique. Elle se limite bien souvent, quand elle n’est pas suggérée ou détournée (cachée par un objet ou par un angle de vue particulier), à une case ou deux (parfois même aucune) par chapitre. Autre élément, certes anodin, mais qui montre bien une volonté de ne pas abuser des « bonnes choses » : seul un personnage, et c’est voulu par l’histoire, se retrouve fréquemment dévêtu. On peut toutefois regretter la présence de ce fan service tout de même excessif, quand on voit qu’il n’est pas un élément si essentiel d’une histoire qui aurait pu s’en passer. A condition d’en changer légèrement le concept…
Si le fait de pouvoir dessiner des jeunes filles dénudées a sans doute été une motivation pour Satoshi Shiki dans l’écriture de Min Min Mint, l’autre aspect qui prévaut dans l’intrigue est une parodie des magical girls et autres super héroïnes typiques de la production japonaise des années 80-90. On retrouve dans le manga les principaux ingrédients de ce genre d’œuvres, comme les métamorphoses de l’héroïne ou la petite créature toute mignonne qui lui donne des consignes et des conseils. Ici, Mint doit remplir des missions plutôt ridicules où, bien souvent, ses pouvoirs ne servent à rien, si ce n’est à compliquer les choses. De cette manière, ainsi que par les énormes restrictions du costume magique de Mint, l’auteur tourne en dérision les scénarii de magical girls. L’idée du costume susceptible, qui n’apprécie pas qu’on doute de lui, est bien trouvée et amène des situations très cocasses. Un moment savoureux de Min Min Mint, c’est quand Lime explique à Mint pourquoi la poisse s’acharne après elle, comme après tous les héros de mangas qui subissent tous les malheurs du monde. Viennent alors à l’esprit des tonnes de mangas dans lesquels le mauvais sort poursuit le personnage principal, à raison ou pas selon la « règle » édicté par Lime.
Le gros atout de Min Min Mint, c’est son rythme. Le manga va à cent à l’heure avec des chapitres courts qui vont à l’essentiel. L’humour est incessant et oscille entre de grosses scènes comiques hilarantes et d’autres plus subtiles. Les histoires ne présentent pas de gros enjeux, mais c’est voulu, et elles se révèlent très efficaces et très drôles. C’était un réel défi pour Shiki que de composer dans un registre comique auquel il ne nous avait pas franchement habitué (les tentatives d’humour dans Kamikaze ou Riot ne sont pas restées dans les mémoires). Et une belle réussite pour ce Min Min Mint et son humour qui fait souvent mouche. On passe un bon moment à la lecture et, qu’on adhère ou pas au manga, il est très difficile de s’y ennuyer.
A la manière de Kamikaze ou de Riot, Min Min Mint présente beaucoup de personnages (féminins pour la plupart). Tous ont des personnalités très tranchées et caricaturales, mais c’est très courant dans les comédies et cela nous offre nombre de situations hilarantes. Parmi tous les protagonistes, tous très différents, chacun pourra y trouver sa chouchoute (ou son chouchou). Les plus difficiles pourront se rabattre sur Lime, mignon à souhait et souvent très drôle. Là où Min Min Mint surprend, c’est dans la manière avec laquelle Satoshi Shiki reproduit et détourne le schéma d’une comédie sentimentale shônen standard à la Love Hina (un personnage masculin un peu indécis, sans cesse tourné en bourrique, entouré par un harem de filles, aux caractères très typés et toutes plus ou moins intéressées par lui). A la différence qu’ici, le personnage principal est une fille. Cela amène une ambiguïté sur la sexualité des personnages secondaires, qui devient même une évidence pour l’une d’elles qui veut carrément faire sa vie avec Mint ! De manière générale, Satoshi Shiki montre une nouvelle fois une réelle capacité à créer et à faire évoluer des personnages attachants.
La version française de ce Min Min Mint est signée Génération Comics qui, après Kamikaze, nous offre une deuxième œuvre de Satoshi Shiki. On est bien servi avec un travail d’adaptation plutôt soigné. La couverture est fidèle à l’originale et le sens de lecture japonais est conservé. Le papier, bien qu’un peu jaunâtre, est de bonne qualité. On trouve également deux pages couleur très plaisantes. Les retouches graphiques et la traduction sont, dans l’ensemble, satisfaisants. J’ai juste relevé une bulle répétée deux fois (peut-être est-ce fait exprès…) et une ou deux phrases un peu bizarres. Mais le vrai défaut de cette version française, c’est le prix. 8,60€ pour 140 pages, ça fait beaucoup. Ni le format B6 (légèrement plus large qu’un Peach Girl par exemple), ni les deux pages couleur ne justifient cela.
Publié comme une parenthèse au cours de la publication de Kamikaze, Min Min Mint est un manga qui surprend. Satoshi Shiki se lâche et se fait plaisir. Cette comédie au rythme trépidant ne s’arrête jamais et fait passer un moment très agréable. On sourit très souvent devant les aventures de Mint et on revient sans déplaisir dessus. Graphiquement moins poussé que Kamikaze, Min Min Mint voit l’auteur s’adapter et simplifier avec réussite son trait et sa mise en page. En toute honnêteté, Min Min Mint n’est certainement pas un manga incontournable et je comprends ceux qui ne l’ont pas acheté (si ça n’avait pas été de Satoshi Shiki, ça aurait certainement été mon cas également). Néanmoins, très loin d’être mauvais, le manga m’a surpris et, au bout du compte, je l’ai bien apprécié. C’est une œuvre courte, soignée, bien finie, qui va au bout de ses idées. Et ça, ce n’est pas si courant.